L’insuffisance du nombre de médecins généralistes ne pénalise pas seulement les personnes sans médecins traitants.
Selon plusieurs témoignages, il ne suffit pas d’avoir un médecin traitant déclaré pour espérer un suivi médical satisfaisant.
Tout d’abord, le libre choix de son médecin par son patient n’existe pas dans le contexte actuel. « Je suis au Havre depuis octobre 2022. J’ai conservé longtemps le médecin traitant de ma ville d’origine pour le renouvellement de mes traitements, tout en passant un temps très long au téléphone - multiplication des appels, temps d’attente- pour obtenir dau Havre d’autres rendez-vous médicaux nécessaires. J’ai actuellement un médecin traitant dont je dirai pour rester discrète qu’elle ne me convient pas : aucune écoute, refus d’examens médicaux de prévention au motif que j’ai plus de 74 ans… Il me faut parfois prendre des rendez-vous supplémentaires, car elle ne traite qu’une, à la limite deux questions à chaque consultation, comme le renouvellement de mon ordonnance et une prescription pour un examen nécessité par mon état de santé actuel. »
Nous avons eu écho d’autres médecins refusant de prendre en compte plus d’un sujet par consultation, suggérant à leur patient de prendre un autre rendez-vous pour examiner ses autres problèmes de santé… Les médecins libéraux sont certes en discussion avec l’assurance-maladie pour la revalorisation de leurs prestations. Mais cette pratique consistant à multiplier les consultations, si elle augmente la rémunération du temps du praticien, se fait au détriment de la prise en charge du patient : son état de santé n’est pas pris dans sa globalité, et ses symptômes seront traités au prix d’un échelonnement préjudiciable.
Notons que dans un Centre de santé à mission de service public, avec des médecins salariés, développant un projet de santé basé sur la prévention, cette façon de traiter les consultants est impossible.
Il nous a été signalé aussi des délais longs pour obtenir un rendez-vous avec le médecin traitant, de l’ordre de deux, voire trois semaines. Cette situation conduit leurs patients déclarés à négliger des symptômes lorsqu’ils ne sont pas trop invalidants, voire à faire appel au 116-117 ou aux urgences lorsqu’ils se finissent par trop se dégrader.
Enfin la question de l’accès aux médecins spécialistes au Havre est problématique. Toutes les spécialités ne sont représentées, et quand elles le sont, la question des délais pour consulter n’est pas compatible avec un suivi optimal des pathologies :
« Je suis suivie par un cardiologue à Monod. Un an après mon premier RV, j’ai reçu une convocation pour un jour où j’avais d’autres engagements. Je suis depuis janvier sur liste d’attente pour combien de mois encore ? »
« J’avais commencé les recherches d’un ophtalmologue avant d’arriver au Havre pour le suivi de mon glaucome. Le centre Alliance Vision m’avait répondu mais les rendez-vous ne pouvaient se prendre qu’un mois à l’avance. Quand j’ai réessayé, toujours à distance, le centre ne répondait jamais. J‘ai heureusement trouvé le centre ophtalmologie express où un suivi est possible, si l’on s’arme de patience pour obtenir un rendez-vous. »
« J’ai un rendez-vous avec un ORL fin septembre, mais c’est maintenant que le problème se pose. »
« Je dois passer un écho-doppler, le délai d’attente est de trois mois, ce qui est relativement court. C’est plutôt 6 mois d’ordinaire…"
Face aux questions de santé, les citoyens sont livrés à eux-mêmes et à une couverture défaillante du système de soins. Il serait temps que les pouvoirs publics mettent en place des politiques efficaces, en termes de formation du personnel médical et para-médical, et d’une dotation équilibrée de tous les territoires, notamment par l’implantation de Centres de santé.
Le dernier rapport de la Cour des comptes sur l’organisation territoriale des soins de premier recours le constate : l’accès aux soins est de plus en plus contraint ; il n’y a pas de stratégie nationale cohérente, mais des mesures successives, non coordonnées et de moins en moins orientées vers les territoires qui en ont le plus besoin.
Au Havre et dans toute la communauté urbaine, la première urgence est de créer un, ou plusieurs, Centres de santé, susceptibles d’attirer de jeunes médecins. Nous devons nous faire entendre de nos élus locaux, et si vous partagez notre analyse, nous vous proposons de signer notre pétition.