Présence des généralistes dans la communauté urbaine : une érosion continue et des craintes sérieuses pour l’avenir
Nous avons rencontré le conseiller du ministre de la santé et de l’accès aux soins, accompagné du directeur départemental de l’ARS, et l’adjointe au maire du Havre en charge des questions de santé.
Ils nous ont fait part de toutes les mesures prises aux niveaux national et local pour remédier aux difficultés d’accès au médecin traitant, sous-entendant que le problème était en passe d’être résolu à plus ou moins brève échéance.
De notre côté, nous entendons de nombreux témoignages de personnes sans suivi médical, ou qui, tout en ayant un médecin traitant, doivent attendre des délais importants pour obtenir un rendez-vous. Certains ont toujours recours au 116-117 pour faire face à l’urgence.
Nous avons recherché des données nous permettant d’objectiver ce déficit de praticiens dans notre Communauté urbaine.
- Le site Rezone CPTS de l’Assurance maladie donne des informations par communes. Il comptabilise le nombre de personnes sans médecin traitant pour les patients « consommants », c’est-à-dire ayant fait l’objet d’un remboursement au cours de l’année de référence –soit de juillet 2023 à juin 2024-. Il prend donc en compte les personnes sans médecin traitant qui ont eu recours au 116-117, aux urgences… mais pas celles qui n’ont pas été confrontées à une crise aigüe - ce qui ne veut pas dire qu’elles n’auraient pas eu besoin d’un suivi médical-. Par ailleurs nous ignorons tout des personnes qui ont renoncé à se soigner : elles sont totalement invisibles.
Ainsi défini, le nombre des patients « consommants » sans médecin traitant pour la période de référence s’élève à 20.250.
Sextant 76, l’association des professionnels médicaux estime à 45.000 personnes la population qui n’est pas couverte par un médecin traitant.
- Le site cart@santé nous donne accès au nombre de médecins généralistes pour l’ensemble de la Communauté urbaine, détaillé par tranche d’âge, avec une antériorité de 10 ans. Cependant nous n’avons aucune précision sur le temps d’activité des généralistes en tant que médecin traitant ; certains exercent à temps partiel ou effectuent des vacations, d’autres partagent leur temps entre leur cabinet et un autre engagement professionnel.

Le nombre de médecins généralistes dans la Communauté urbaine a diminué de 18% en dix ans.
L’installation de jeunes praticiens dans l’agglomération est réelle : durant la même période, les médecins de moins de 40 ans sont 15 en 2013 et 62 en 2023. Cependant cet afflux de jeunes médecins est insuffisant pour compenser les départs en retraite.
D’autre part, les jeunes médecins veulent, très légitimement, équilibrer leur vie de famille et leur engagement professionnel.
En 2024
En apparence, bonne nouvelle : le nombre de médecins en exercice dans la Communauté urbaine a légèrement augmenté : il remonte à 208.
Ce ne sont que des apparences : il faut regarder de plus près la distribution par tranches d’âge.

On s’aperçoit que le nombre de médecins de moins de 40 ans a diminué en 2024.
En revanche, le nombre des médecins de plus de 60 ans augmente de 12, dans l’ensemble de la communauté urbaine, et de 13 au Havre. Or, 100%LH, qui emploie 12 médecins retraités, a ouvert au Havre en 2024. Ces 12 médecins n’exercent pas à temps complet : ils effectuent des vacations. L’augmentation constatée est en trompe-l’œil !
On constate un vieillissement de l’effectif des médecins pratiquants ; en 2024, il n’y a eu aucun renouvellement des générations.
La situation ne s’améliore pas, et ce sont les médecins âgés, qui en retardant leur départ, évitent la catastrophe. Or, les tranches d’âges qui les suivent (entre 50 et 59 ans) sont des classes creuses.
Les dispositions prises par les médecins et la communauté urbaine pour faire face au manque de praticiens ne font qu’atténuer les conséquences de ce déficit.
Nos élus ne peuvent rester dans le déni et dans un optimisme de commande.
La réalité que dévoile l’analyse des chiffres est celle d’une situation promise à une détérioration importante si rien n’est fait pour la contrecarrer.