La prévention, source d’efficacité et d’économie
Les Centres de santé de service public doivent non seulement permettre un accès aux soins pour toute la population, mais agir pour la prévention, dans le cadre d’un projet global de santé, élaboré à l’échelle d’un territoire. C’est dire que les habitants du territoire doivent être consultés, tant sur les conditions matérielles (implantation des antennes, horaires d’ouverture…) mais aussi sur les questions touchant au projet de santé lui-même.
Un accès facilité aux soins et une prévention appropriée sont les conditions pour maintenir la population en meilleure santé possible. Elles sont aussi génératrices d’économie pour l’Assurance maladie : pouvoir consulter et mettre en œuvre sans délai le traitement pertinent coûte moins cher que de prendre en charge un état de santé qui s’est dégradé ; et la prévention de l’apparition des pathologies est un facteur important de réduction des dépenses.
Pour être efficace, la prévention ne saurait se réduire à des consignes dispensées aux patients. L’implication des citoyens dans le maintien de leur santé, le dialogue avec les soignants doivent permettre une réelle mise en œuvre de conduites appropriées. Quels sont les problèmes de santé les plus ressentis par les habitants ? L’application des recommandations de l’équipe médicale est-elle facile à suivre ? Que peut-on faire pour améliorer l’hygiène de vie ? L’interrogation peut conduire à des projets très divers, favorisant ainsi les initiatives collectives.
L’importance de la prévention s’est encore accrue avec ce que l’on appelle la transition sanitaire, qui induit le poids de plus en plus important des maladies chroniques dans la patientèle des cabinets médicaux : maladies cardio-vasculaires, respiratoires, cancers, diabète, pathologies liées au vieillissement… pour lesquelles il s’agit moins de viser la guérison que d’apprendre à « vivre avec ».
Cette évolution bouleverse le modèle médical traditionnel, qui privilégie le « colloque singulier » entre le médecin et son patient car les pathologies chroniques requièrent des prises en charge pluridisciplinaires, entre généralistes, spécialistes, infirmiers, kinésithérapeutes, avec le partage du dossier médical. L’engagement actif du malade dans les processus d’amélioration ou de maintien de sa santé devient essentiel. La prévention, l’éducation sanitaire sont parties intégrantes du traitement. Les conditions de vie, les ressources, le logement, la situation familiale, toutes les contraintes spécifiques de la personne sont à prendre en considérations, ainsi que les facteurs culturels.
Les communautés pluriprofessionnelles territoriales de santé répondent en partie à ces enjeux
Les Communautés pluriprofessionnelles territoriales de santé (CPTS) sont issues de la loi de 2016 dite « de modernisation de notre système de santé » ; l’ordonnance du 12 mai 2021 définit leur nature juridique. Elles ont été créées afin d’offrir une réponse plus collective et coordonnée des soins de proximité, autour de la clinique du patient d’une part, et des besoins collectifs de santé d’une population de l’autre.
La création, l’organisation de ces CPTS, qui doivent être constituées en association, sont laissées à l’initiative des professionnels de santé. Les CTPS sont conventionnées avec l’Agence régionale de santé (ARS) et avec la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM). Elles reçoivent des financements pour des missions bien précises : amélioration de l’accès aux soins ; organisation de parcours de soins ; prévention ; qualité et pertinence des soins ; accompagnement des professionnels de santé ; réponses aux crises sanitaires. Selon un rapport de juin 2023,[1] 756 CTPS couvraient 68% du territoire en 2022.
Dans la région havraise, l’association sextant 76 gère la cpts
Cette CPTS se dénomme « Communauté pluriprofessionnelle territoriale de santé du Grand Havre ». Outre Le Havre, elle concerne les communes de Sainte-Adresse, Octeville-sur-mer, Fontaine-la-Mallet, Fontenay, Épouville, Montivilliers, Harfleur et Gonfreville-l’Orcher. Les 45 autres communes ne sont pas couvertes par une autre CPTS.
Elle est gérée, comme toutes les CPTS, par des collèges regroupant les différentes professions de soignants. La CPT S accueille les nouveaux praticiens et accompagne leur installation, et d’une façon générale, favorise les échanges entre soignants. Elle participe à la diffusion d’informations médicales. Des initiatives sont prises avec les médecins du Centre hospitalier, sur des thèmes comme l’hospitalisation à domicile ou la mise en place d’une filière ostéoporose.
En matière de prévention, Sextant 76 recense les ressources à disposition tant des professionnels que des patients sur des sujets comme les vaccinations, les risques d’AVC, l’obésité, la santé sexuelle, la prévention du suicide ou les cancers.
Sextant 76 a initié des actions spécifiques, comme la collaboration avec l’AMUH pour la mise en place du 116-117 et la consultation de soins non programmés pouvant accueillir les patients sans médecin traitant. L’association a également permis l’instauration de téléconsultations accompagnée par un(e) infirmier(ière) dans les EHPAD. L’organisation de la coordination des soignants autour des patients atteints de pathologies complexes se développe au moyen de visio-conférences. Il est également à noter, sur les 26 projets présentés sur le site de Sextant 76, la formation des médecins généralistes et les sages-femmes à l’IVG médicamenteuse, ainsi que le déploiement d’un réseau local « autisme » parcours de soins avec l’ensemble des associations concernées.
Enfin, Sextant 76 participe au plan d’action national pour accompagner les patients sans médecin traitant déclaré et souffrant d’une affection de longue durée (ALD) avec la mise en place du « Pôle santé 100% LH ». Il accueille ces personnes qui doivent leur être adressées par les professionnels de santé. Les consultations sont assurées par des permanences de médecins retraités. Ce Pôle peut prendre en charge 1200 malades, ce qui est bien inférieur au nombre de personnes à priori susceptibles d’en bénéficier.
La participation des usagers du système de santé est l’avenir des CPTS
L’organisation actuelle des CPTS, relève totalement des professionnels de santé ; les textes officiels qui les définissent ne font aucune allusion à une participation des usagers du système de santé. Ceci semble en contradiction la mission de prévention dévolue aux CPTS, et avec l’ambition de rendre le patient « acteur de sa santé ».
En mars 2023, le gouvernement a commandé une mission pour faire un diagnostic des CTPS pour mesurer leur apport sur les territoires ; identifier les facteurs clés de leur succès et de leur frein ; éclairer sur les leviers qui pourraient contribuer à accélérer leur généralisation d’ici fin 2023.
Le rapport issu de cette mission, intitulé « Tour de France des CPTS » Bilan et propositions pour le déploiement et le développement des communautés professionnelles territoriales de santé » émet des préconisations pour permettre à ces instances de jouer leur rôle dans l’adaptation de notre système de soins.
Parmi ces propositions, la participation des usagers est recommandée de façon claire :
« Proposition n°20 : Encourager la participation des associations de patients dans la gouvernance et le fonctionnement des CPTS. »
« Proposition n°22 : Clarifier (notamment dans les avenants futurs aux Accords conventionnels interprofessionnels) les règles de bonne gouvernance dont le respect conditionne le financement public.
La mission recommande fortement d’adapter la composition de l’association et des instances dirigeantes pour intégrer les partenaires du territoire, et notamment les patients et usagers. »
Les conclusions d’un rapport de mission ne se traduisent pas automatiquement par une transcription dans un texte légal. Mais si la participation des usagers à l’orientation des CPTS n’est pas expressément prévue, elle n’est pas non plus prohibée.
Les associations citoyennes autour de la santé et la CPTS ont tout intérêt à s’écouter et à travailler ensemble.