Nous avons besoin d’un véritable Centre de santé et non de réponses au compte-gouttes
DOMUS MEDICA
Le 22 décembre 2023, Paris Normandie publiait un article intitulé « Au Havre, les médecins jeunes retraités vont reprendre du service pour des patients en traitement ».
Très optimiste, la presse locale titrait « Avoir un médecin traitant ne sera peut-être bientôt plus un calvaire au Havre et dans sa région ».
Le 15 avril, un autre article nous informe du démarrage effectif de ce projet : « Depuis le 18 mars 2024, 100 % LH, une association de jeunes médecins à la retraite, prend en charge des patients en affection longue durée et sans médecin traitant. Une nouvelle offre de soins qui pourrait aider 1 200 personnes au Havre. »
Nous ne partageons pas l’enthousiasme de la presse locale, pour plusieurs raisons.
- Tout d’abord parce que les personnes en affection longue durée ne sont pas les seules à avoir besoin d’un suivi médical régulier ! L’AMUH, association médicale des urgences du Havre, estime dans ce même article, à 45 000 le nombre de patients sans médecin traitant.
- Cette nouvelle offre de soins ne concerne actuellement que 1 200 patients sans médecin traitant en ALD, or, selon l’article, pour la seule commune du Havre ce nombre s’élèverait à 2 500, et plus précisément à 2 623 d’après les données de la Sécurité sociale. Par ailleurs, ce projet étant subventionné par la Communauté urbaine, il devrait en théorie s’adresser à l’ensemble de ses ressortissants : il ne pourra donc répondre qu’à une partie du public ciblé, soit 3 100 personnes.
- Par ailleurs, l’ARS de Normandie a lancé un « Appel à manifestation d’intérêt relatif à l’accompagnement par un « infirmier relai » des patients en affection longue durée avec ou sans médecin traitant. » Celui-ci fait le lien avec les autres professionnels de santé et mène une action de prévention. En cas d’aggravation de la situation du patient, il l’oriente vers une consultation de soin non programmée. Il est précisé que « La téléconsultation pourra être une solution à domicile ou dans un espace dédié.» (Dans une gare ???) Nous sommes bien dans le cadre des prises en charge les plus minimalistes possibles !
- Espérer l’aide de médecins retraités pour résoudre la pénurie de généralistes est illusoire. En effet, l’examen de la démographie médicale montre que les généralistes mettent déjà tardivement fin à leur activité en cabinet. Nous avons besoin de médecins en plein exercice professionnel !
Décharger les médecins des tâches administratives pour qu’ils puissent se consacrer entièrement à la santé de la population est déjà un atout pour recruter de nouveaux praticiens. Or nous savons que le salariat peut attirer les jeunes médecins. En effet, ils sont nombreux à hésiter de s’installer en libéral. Il existe un vivier de jeunes praticiens qui ne sont pas fixés professionnellement, exerçant des remplacements ou d’autres activités d’attente.
- le coût estimé de fonctionnement à 100.000 €, pour une prise en charge temporaire de 1 200 patients, nous interroge. Il semble qu’un tel budget serait mieux employé à faire fonctionner un véritable Centre de santé, avec des médecins salariés, travaillant en équipe autour d’un projet de santé à destination de toute la population d’un territoire. Si Paris Normandie annonce fièrement : « C’est une première en France ! » d’autres collectivités territoriales, depuis la commune de taille modeste jusqu’à la Région, ont mis en place des réponses beaucoup plus ambitieuses pour répondre aux besoins de santé.
Enfin un autre article de Paris Normandie, paru le 15 avril et titré : « Bientôt, on devra se faire soigner en Sibérie ! » Y a-t-il assez de médecins à Montivilliers ? » illustre parfaitement notre analyse : il faudrait trois fois plus d’arrivées de nouveaux médecins qu’actuellement pour simplement compenser les départs en retraite….
Article également disponible à : https://centredesantepourlehavreetplus.home.blog/2024/04/29/nous-avons-besoin-dun-veritable-centre-de-sante-et-non-de-reponses-au-compte-gouttes/